Libération des camps de concentration, 60 ans après…

60ème anniversaire de la libération des camps de concentration
dimanche 24 avril 2005
intervention de Guy DUCOLONE, déporté-résistant, au nom de la FNDIRP
Monument aux morts d'Issy les Moulineaux

(suite à cette cérémonie, Guy Ducoloné et son épouse Madeleine Vincent devaient recevoir la médaille de la ville, en tant que deux des trois survivants Isséens des camps encore en vie, des mains d'André Santini).

 

Le dimanche 10 avril, le chancelier d'Allemagne Gerhardt Schröder déclarait : " se souvenir de l'époque du national-socialisme, de la guerre, du génocide et des crimes est une partie de l'identité allemande moderne. Et c'est une responsabilité morale constante. "

Il ajoutait : " Nous voulons et nous ne permettrons pas que l'injustice et la violence, l'antisémitisme, le racisme et la haine des étrangers aient un jour à nouveau une chance ".

Ces paroles, dites pour la première fois par un dirigeant allemand, dans le théâtre archicomble de Weimar, ville où se trouve Buchenwald, devant notamment quelques centaines d'anciens déportés venus de toute l'Europe, et d'internés allemands ; puis le dépôt de gerbes quelques heures plus tard sur la place d'appel du camp, à quelques kilomètres de là, sur la hauteur de l'Ettersberg ; enfin le rassemblement dans l'après-midi sur la place d'appel de milliers d'Allemands dont un très grand nombre de jeunes, soulignent la puissance accordée au soixantième anniversaire de la libération du campa de Buchenwald le 11 avril 1945.

A cet événement était également associée la libération des autres camps :

Bergen-Belsen le 15 avril
Sachsenhausen le 22 avril
Flossenburg le 25 avril
Dachau le 29 avril
Ravensbrück le 30 avril
Neuengamme le 4 mai
Mathausen le 5 mai

Et un camp qui n'était pas en Allemagne, mais dans une des Iles anglo-normandes, Aurigny, le 7 mai.

Ces anniversaires sont des occasions, certes ce ne doit pas être les seules et à ce seul moment, mais sont une occasion de rappeler avec force les sévices et les crimes des bourreaux nazis.

C'est une occasion de se souvenir de ces millions de femmes, d'hommes et aussi beaucoup d'enfants qui sont morts : ils furent exterminés dans les chambres à gaz pour les juifs, les tziganes, avec pour seul prétexte leur origine.

D'autres, tels les soldats soviétiques à Buchenwald assassinés par milliers d'une balle dans la nuque parce que soviétiques. Et puis tous ceux arrêtés parce que résistants, patriotes et qui subirent la faim, les coups, les travaux exténuants, le froid, pour beaucoup - la mort.

Rappelons sans cesse que de France sont parties 160 000 personnes.
75000 étaient juifs, dont beaucoup d'enfants. Seuls 3 à 4000 sont revenues.

85000 étaient des résistants ou des otages, des politiques, comme on les appelait, moins de un sur deux est rentré.

Les grandes déportations :

- D'abord des Juifs en 1942, partis de Drancy
- des hommes partis de Compiègne
- des femmes, surtout de Romainville, en 1943 et début 1944, furent pour la plupart exploités dans des usines d'armement.

10 heures de travail avec une nourriture faiblement distribuée, l'espérance de vie n'était pas grande. Les industriels qui louaient ces femmes et ces hommes aux SS avaient trouvé une main d'œuvre à bon marché et une source qu'ils pensaient inépuisable. Aussi, peu leur importait la durée de vie de ces esclaves des temps modernes.

L'histoire montre que les esclaves, surtout les patriotes, trouvent toujours le moyen de secouer le joug des tyrans. Et dans les camps, dans les usines de guerre, il y eut des femmes et des hommes qui refusèrent de " bien " travailler ; qui ralentissaient le rythme de production ; de sabotage, les pièces ratées furent nombreuses, pratiquement dans toutes les usines et ceci dans tous les camps de concentration.

Si l'on visite l'exposition qui a été inaugurée jeudi dernier par les maires de Paris et de Weimar au Mémorial Leclerc/Musée Jean Moulin, à la gare Montparnasse, sur les 30000 " femmes oubliées de Buchenwald ", on y verra le destin de 24 femmes dont 3 françaises.

Parmi elle de très jeunes filles venaient des camps de Ravensbrück, d'Auschwitz, de Maïdanek. Elles dépendaient de la direction SS de Buchenwald.

Elles ont été dans leur activité remarquables d'intelligence et de volonté pour saboter la production de guerre. Pourtant, être pris sur le fait, c'était la mort assurée.

En décidant, le 14 avril 1954, que le dernier dimanche d'avril devenait la Journée de la déportation, le Parlement français a fait œuvre de mémoire. Ce jour, comme nous ici même, nous pensons certes aux victimes et parmi elles je citerai 6 élus du Conseil municipal d'Issy les Moulineaux, élus en 1935. 5 sont morts en camps de concentration : le maire, Victor Cresson, et Lucien Bigouret, Marius Delbès, Paul Dumont et Marcel Miquel. Le 6ème, Victor Leclercq, mutilé de la guerre de 1914/1918, mourut des suites de son internement à Châteaubriant.

Notre présence ici, ce matin, est la preuve que nous ne voulons pas que les leçons de cette période soient perdues.

Aussi, alors que des slogans antisémites ou racistes sont proférés ; lorsque des adeptes de l'idéologie nazie se rassemblent et manifestent, nous disons que notre tâche n'est pas achevée. Notre devoir est de nous y opposer.

Mais ce n'est plus seulement l'affaire de celles et ceux de ma génération. Nous ne devons plus être les seuls à l'assumer.

L'ampleur donnée le 27 janvier à la découverte d'Auschwitz par l'armée soviétique en 1945 a redonné un élan nouveau au travail incessant de la Mémoire. Ces cérémonies de la fin avril doivent le prolonger.

C'est le sens du message commun de la
Fondation pour la mémoire de la déportation (FMD)
De l'Association des déportées et internées de la Résistance (ADIR)
De la Fédération nationale des déportés et internés de la résistance (FNDIR)
De la Fédération nationale des déportés et internés résistants et patriotes (FNDIRP)
De l'Union nationale des associations de déportés, internés et familles de disparus (UNADIF)
De l'Union nationale des déportés, internés et victimes de guerre (UNDIVG) :

" Il y a 60 ans, la victoire, chèrement acquise, des combattants des résistances intérieure et extérieure et des armées alliées, contraignait le Reich hitlérien à capituler sans conditions. Les survivants des camps de concentration et des camps d'extermination, qui doivent leur salut aux sacrifices consentis par toutes ces forces coalisées contre leurs bourreaux, tiennent à leur exprimer leur gratitude.

60 ans après, les survivants des exactions nazies, facilitées en France par la complicité du gouvernement de Vichy dans l'organisation des rafles et de la chasse aux résistants, se félicitent que leur douloureuse expérience ait suscité une avancée de la conscience universelle et du droit international.

Cela a conduit les responsables politiques à créer, dès 1945, l'Organisation des nations unies ayant pour vocation de prévenir tout éventuel débordement ou, le cas échéant, de s'y opposer par la force. C'est pourquoi le droit international a institué, à côté de l'imputation déjà reconnue de crimes de guerre, celle de crimes contre l'humanité et celle de génocide, dont allait avoir à connaître, dans un premier temps, le Tribunal militaire international de Nuremberg.

L'histoire, quoi qu'on dise, ne doit pas se répéter ; il faut utiliser l'intelligence des hommes dans la recherche de la paix et l'amélioration de la condition humaine. L'effort de chacun doit tendre vers l'abolition des inégalités encore trop présentes dans le monde. C'est à la jeunesse de prendre le relais des témoins et d'entretenir la flamme. "

 

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